L’homme qui menace le statu quo dans l’une des régions du monde les plus politiquement enracinées n’est pas le genre de personne encline aux gestes grandioses ou aux discours passionnés.
Compact, soigné et précis, l'ancien vice-président syrien de 73 ans Abdul Halim Khaddam a l'assurance tranquille d'un homme qui a passé trois décennies dans l'un des cercles de pouvoir les plus redoutables du Moyen-Orient.
Mais c'est le contenu de ses déclarations qui ébranle ces jours-ci les milieux internationaux.
"La politique du président Bachar al-Assad repose sur son intérêt personnel et celui de sa famille", a-t-il déclaré, faisant référence à l'actuel dirigeant syrien lors d'un entretien avec ABCNEWS.com dans sa luxueuse résidence parisienne.
"Toutes les décisions qu'il a prises, sur les questions internes et externes, ont mis les Syriens dans une impasse et le pays se trouve dans une situation très dangereuse", a-t-il ajouté. "Mon rôle est maintenant de mettre fin à la mauvaise situation du peuple syrien et de me débarrasser du régime."
Exposé sans passion dans son salon parisien plus de 18 mois après sa démission, la détermination tranquille de Khaddam semble bien éloignée des intrigues de la politique syrienne.
Mais c'est une rupture dramatique avec son ancien patron à Damas, la capitale syrienne. Après tout, il s’agit de l’homme d’État chevronné qui a signé des décrets essentiels permettant au jeune Assad, inexpérimenté, de prendre la présidence après la mort soudaine de son père, Hafez al-Assad, en 2000.
Plus explosives encore sont ses récentes insinuations publiques selon lesquelles Bachar al-Assad a joué un rôle dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafik Hariri.
Quelques mois après qu'un rapport d'enquêteur de l'ONU ait cité des témoignages selon lesquels Assad avait personnellement menacé Hariri avant son assassinat, Khaddam implique publiquement le président syrien dans l'assassinat.
La Syrie a toujours nié toute implication dans l'assassinat de Hariri. Mais les accusations de Khaddam constituent le coup le plus grave porté à Assad, venant de l'un de ses plus hauts responsables.
En effet, la dernière salve de Khaddam n’est qu’un coup de feu – bien qu’extraordinairement puissant – dans une fusillade contre le régime.
Aliéné de la communauté internationale – y compris de son ancien allié l’Arabie saoudite – et confronté aux critiques croissantes des États-Unis concernant son rôle présumé dans l’insurrection en Irak, le régime de Damas, autrefois solide, commence à montrer des fissures potentiellement fatales.