147. Mémorandum de l'assistant adjoint du président pour les affaires de sécurité nationale (Scowcroft) au président Ford
Washington, 15 mars 1975.
Le secrétaire Kissinger m'a demandé de vous transmettre le message suivant :
« Je suis arrivé à Damas peu après midi aujourd’hui pour découvrir que le ministre des Affaires étrangères Khaddam, qui devait partir pour La Havane pour une réunion préparatoire à la conférence du sommet des non-alignés prévue en juillet au Pérou, avait retardé son départ pour être présent aux pourparlers d’aujourd’hui. Khaddam avait d’ailleurs passé la majeure partie de la nuit à rencontrer le ministre des Affaires étrangères algérien Bouteflika, qui avait fait escale à Damas en route vers Téhéran où il assistera à la première réunion des ministres des Affaires étrangères iranien et irakien suite à l’accord récent entre leurs deux pays. Selon Khaddam, Bouteflika a promis un soutien politique, économique et militaire total à la Syrie. Il est clair que les Syriens continuent leurs efforts pour obtenir un soutien contre un éventuel accord séparé entre l’Égypte et Israël, qu’ils craignent de les exclure du processus de paix.
« Lors d’une réunion de deux heures avec le président Assad, Khaddam, le vice-Premier ministre Haydar et le chef de l’armée de l’air (et vice-ministre de la Défense) le général Jamil, suivie de plus de deux heures en tête-à-tête avec Assad, mon effort principal visait à apaiser les soupçons et les craintes d’Assad à l’égard d’un accord égyptien séparé. J’ai de nouveau exposé les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas négocier simultanément des accords égyptiens et syriens, souligné que le succès des négociations actuelles créerait une meilleure atmosphère pour un effort du côté syrien, et rassuré Assad que nous serions prêts à déployer de grands efforts pour la Syrie une fois un accord sur le Sinaï conclu. J’ai également expliqué à Assad pourquoi nous ne pouvons pas établir de contacts politiques avec les Palestiniens pour l’instant, à la cause desquels il est plus sincèrement dévoué que la plupart des autres dirigeants arabes, mais je lui ai dit que nous recevrions tout message que les Palestiniens pourraient lui transmettre.
« Suite à ma dernière visite à Jérusalem et à une conversation privée que j’ai eue avec Rabin, j’ai pu dire à Assad que, pour la première fois, je pense qu’Israël commence à sérieusement réfléchir à la nécessité d’un mouvement également sur le front syrien. C’était le principal élément nouveau que j’ai pu introduire dans la conversation. Je ne peux pas encore juger s’il a été possible de suffisamment apaiser les préoccupations d’Assad selon lesquelles il ne cherchera pas finalement à saper un accord égypto-israélien et à rallier d’autres soutiens, y compris celui de Faisal, pour un tel effort. Cependant, l’atmosphère de la réunion d’aujourd’hui avec Assad était nettement plus détendue que lors de la dernière rencontre, et Assad a fait une déclaration impressionnante devant ses collègues sur pourquoi la Syrie a déclaré publiquement pour la première fois qu’elle veut la paix — pas pour Israël, mais pour la Syrie. Quoi qu’il en soit, il était bon que je fasse cette deuxième visite à Damas, et j’ai dit à Assad que je suis prêt à revenir avant de retourner à Washington pour discuter avec lui de la manière dont nous pourrions ensuite avancer sur le front syrien. J’ai encouragé Assad à réfléchir à ce que la Syrie pourrait faire, en échange d’un retrait israélien supplémentaire, pour convaincre Israël que les choses avancent vers la paix et pour favoriser une transition d’une psychose de guerre à une psychose de paix en Israël qui serait irréversible.
« Je passerai la nuit à Amman et, ayant juste reçu la nouvelle que le roi Faisal ne pourra pas me voir demain en raison de la visite d’État du président du Mali, je retournerai directement à Jérusalem demain (dimanche) après-midi et j’attendrai de savoir ce que le cabinet israélien aura autorisé Rabin à dire en réponse aux dernières idées du président Sadate. »