Si les paroles de M. Abdel Halim Khaddam, l’ancien vice-président du président syrien, n’étaient pas importantes, la rébellion du régime ne se serait pas déchaînée contre lui. Les orphelins du régime de sécurité syrien-libanais ont sombré dans une phase d’hallucination, poussant l’un de ces orphelins, le président Émile Lahoud, à confirmer qu’il n’était pas hostile à Rafic Hariri et qu’il n’avait jamais juré de rester à l’affût de lui jusqu’à la fin de sa vie.
Tout cela n’a pas d’importance, surtout parce qu’Émile Lahoud ne mérite pas plus d’être qu’un vestige du passé que les Libanais et les Arabes découvriront tôt ou tard. L’essentiel est que le communiqué émis par la présidence libanaise accuse Khaddam d’avoir cherché à faire entrer l’armée libanaise dans le sud du Liban et à la conduire jusqu’à la frontière, ou plutôt jusqu’à la ligne de cessez-le-feu avec l’ennemi israélien. Le communiqué ajoute que cela n’était pas conforme aux orientations du défunt président Hafez al-Assad, comme si l’envoi de l’armée vers la prétendue ligne bleue était une trahison nationale. Comme si l’armée avait une mission plus importante que la défense du Liban et le maintien du cessez-le-feu avec l’ennemi israélien.
Peut-être que Khaddam était d’accord avec la décision nationale d’envoyer l’armée au sud, peut-être pas. Peut-être n’était-il pas d’accord avec cette décision qui, à la fin, était dans l’intérêt du Liban et de la Syrie, et non dans celui d’Israël qui cherchait toujours à maintenir ouverte la frontière sud du Liban pour faire chanter le Liban d’une part et confirmer qu’elle était la victime de l’autre, sachant qu’Israël n’exerce jamais autre chose que le terrorisme. De plus, son véritable et constant ambition était de trouver quelqu’un pour justifier ses pratiques, comme cela s’est récemment produit dans le sud du Liban lorsque des roquettes « Katyusha » ont été tirées sur la colonie de Kiryat Shmona, lui permettant de dire qu’elle était attaquée depuis le sud du Liban et que le Liban n’était pas capable de contrôler son territoire. Est-ce là ce qu’Émile Lahoud et ceux qui le manipulent derrière la campagne contre Abdel Halim Khaddam avaient en tête ?
L’ancien vice-président du président syrien n’a dit qu’une partie de la vérité. Il est certain qu’il a beaucoup plus à dire plus tard sur l’assassinat de Rafic Hariri, qui était sans aucun doute un complot contre la patrie syrienne et la patrie libanaise. Khaddam était clair dans la distinction entre le régime et la patrie, indiquant qu’il avait choisi de prendre parti pour la patrie après avoir désespéré de la possibilité de réformer le régime. Ce que l’on peut dire dans ce domaine, c’est que l’homme possédait un minimum de valeurs morales pour éviter de s’engager jusqu’au bout dans un jeu qui favorisait Israël d’abord et avant tout. Peut-il être concevable pour un homme arabe ayant un minimum de conscience nationale de penser que quiconque pourrait tirer profit de l’assassinat de Rafic Hariri, de Bassel Fleihan, de Samir Kassir, de Georges Hawi et de Gebran Tueni autre que Israël ?
Ceux qui s’opposent à l’envoi de l’armée libanaise à la ligne de cessez-le-feu avec Israël agissent uniquement dans l’intérêt de l’ennemi, ni plus ni moins. Celui qui a travaillé à dissimuler le crime de l’assassinat de Rafic Hariri et les crimes qui ont suivi sert Israël, que ce soit délibéré ou non. Il est clair qu’en révélant les instigateurs et les criminels dans l’affaire de l’assassinat de Rafic Hariri, Abdel Halim Khaddam fait partie intégrante de la résistance menée par les Libanais et les Syriens honnêtes contre un ennemi féroce qui compte principalement sur les orientations sectaires et confessionnelles dans le monde arabe pour semer la discorde et consolider sa légitimité régionale.
Il ne fait aucun doute que l’interview d’Abdel Halim Khaddam à « Al-Arabiya » était un événement exceptionnel, indépendamment de ce qui a été dit sur la situation intérieure en Syrie. L’élément le plus important reste qu’il a remis les choses à leur place, identifiant clairement les instigateurs, les criminels, et les vrais corrompus, et soulevant simplement la crise appelée le régime syrien. Ce régime qui n’a trouvé personne d’autre que Émile Lahoud pour occuper la présidence au Liban, un homme qui se vante de refuser l’envoi de l’armée au sud. Est-ce là le secret de la prolongation de la présidence libanaise ? Est-ce le secret de cette obstination à le maintenir en place et à couvrir toutes les erreurs, pour ne pas dire les crimes, qu’il a commis au nom de la patrie, de la nationalité, des Arabes et de l’arabité, y compris l’incitation contre Rafic Hariri à Damas ?
Le maintien d’Émile Lahoud semble être le meilleur indicateur de la profondeur de la crise que traverse le régime syrien. La crainte persiste, la crainte que le régime, responsable de l’assassinat de Rafic Hariri et d’autres personnalités nationales libanaises, ne trouve d’issue que dans une fuite en avant, consistant à dissimuler chaque crime par un autre crime aussi odieux. C’est une logique dépourvue de tout bon sens que Abdel Halim Khaddam a tenté d’expliquer, une logique qui ne peut que conduire à d’autres crimes jusqu’au jour où le monde et la communauté internationale annonceront, à leur manière, la faillite du régime syrien.
Combien de martyrs tomberont en attendant ce jour ?!