Abdel Halim Khaddam, ancien vice-président de la Syrie et chef du Front de salut national, parti d'opposition, a déclaré son soutien aux frappes militaires internationales contre son propre pays, similaires à la situation en Libye. Lors d'un entretien avec Asharq Al-Awsat à Bruxelles, il a accusé la communauté internationale d'appliquer deux poids, deux mesures dans son approche des révolutions arabes. Khaddam a également souligné une initiative mondiale en cours, menée par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, visant à adopter une résolution renvoyant la Syrie devant la Cour pénale internationale de La Haye, à l'image des événements survenus en Libye. Cette décision vise à soumettre le président Bashar Al-Assad et d’autres à la justice internationale. Khaddam a néanmoins posé plusieurs questions qui suscitent la réflexion. Il a demandé : « Existe-t-il un accord international pour protéger Assad, qui a soutenu l'Iran au Liban et en Irak ? La communauté internationale a-t-elle l'intention d'éviter de le poursuivre en justice pour empêcher une confrontation avec l'Iran ? Existe-t-il des liens à cet égard ? En outre, il s'est demandé : « Existe-t-il une seule justification pour que la communauté internationale protège Assad ? Pourquoi le peuple syrien doit-il en supporter les conséquences ? Il a déclaré qu'il continue d'entendre diverses déclarations et questions sans réponse concernant ces questions.
Avant d'entamer le dialogue, vous avez évoqué l'existence d'un accord international pour protéger le président Assad. Cependant, selon certaines informations, le président américain Barack Obama aurait l'intention de déclarer que le président Assad avait « perdu sa légitimité ». Cela ne contredit-il pas l'existence de l'accord international auquel vous faites référence ?
— Si le président Obama prenait cette mesure, ce serait une évolution positive indiquant l'absence d'un tel accord. Cependant, la position actuelle de la communauté internationale soulève souvent des questions perplexes. Par exemple : « Existe-t-il un accord international pour protéger Assad, qui a soutenu l'Iran au Liban et en Irak ? La communauté internationale souhaite-t-elle s'abstenir de le poursuivre en justice pour éviter une confrontation avec l'Iran ? Existe-t-il des liens à cet égard ? " Il y a une raison unique pour que la communauté internationale protège Assad ? Pourquoi le peuple syrien doit-il en subir les répercussions sans qu'aucune mesure ne soit prise ? Nous rencontrons diverses déclarations posant ces questions, mais elles restent sans réponse. "
Cependant, des initiatives internationales et américaines sont en cours…
— L'administration américaine a fini par reconnaître la gravité de la situation en Syrie, notamment à la suite de la récente interview de Rami Makhlouf (homme d'affaires syrien et proche du président Assad) dans le journal "New York Times". Dans son entretien, Makhlouf a dévoilé la véritable stratégie du régime syrien, qui se présentait auparavant comme un régime d'opposition soutenant la résistance et la fermeté. Ce que Makhlouf a adressé aux Américains, c'est que la stabilité d'Israël est étroitement liée à la stabilité de la Syrie, révélant ainsi la tromperie et la manipulation de l'opinion publique arabe par le régime. Makhlouf tente de faire comprendre aux Israéliens que leur propre stabilité dépend de celle de son régime et les exhorte à réfléchir à la manière dont ils peuvent l'aider. Cependant, de tels slogans n’inquiètent pas les Israéliens. Pourquoi les Israéliens devraient-ils s’inquiéter d’un régime syrien qui envoie ses avions à Deir ez-Zor, traversant le ciel syrien, mais s’abstient de lancer des missiles ? De même, le régime envoie des avions à Ain Sahib, à seulement 10 kilomètres de Damas, mais hésite encore à tirer un missile.
C'est peut-être ce que Makhlouf entend transmettre : "Vous devriez vous inquiéter si nous ne sommes plus au pouvoir". Cependant, pensez-vous que la famille Assad est responsable de tout ce qui est arrivé au peuple syrien ?
— Les souffrances endurées par le peuple syrien sont le résultat direct de la nature dictatoriale du régime. Ce système repose sur l’autorité, d’abord avec Hafez al-Assad et maintenant avec son fils. Ainsi, la responsabilité incombe à la famille car c’est elle qui détient les rênes du pouvoir. Aucun membre de la famille Assad ne peut clamer son innocence quant à l’abus de son influence pour poursuivre des objectifs personnels et opprimer le peuple.
Certains prétendent que c’est l’œuvre de la vieille garde…
— Où est située cette vieille garde ?
Il y a des individus, comme Farooq al-Shara...
— Farooq al-Shara est incapable d'agir. Quel rôle joue Farooq al-Shara ?
D'ailleurs, on a parlé ces derniers jours de l'absence de la charia, malgré ses photos apparaissant à certaines occasions...
— Les photos de Farouq al-Shara et de Bachar al-Assad qui circulent lors des célébrations de la Journée des martyrs sont inexactes. Ni la Sharia ni Bachar n’ont assisté à l’événement. Les images diffusées à la télévision syrienne datent de la commémoration de la Journée des martyrs de l'année dernière, et non de celle de cette année.
Assad a-t-il éliminé la vieille garde ?
— Il n'y avait pas de vieille garde au départ. Quelqu’un croit-il que Farouq al-Shara détient une quelconque autorité ? Les habitants de sa ville natale (Daraa) ont été tués, persécutés et déplacés. Qu'a-t-il fait pour eux ? S’il possède de l’influence, cela n’a servi à rien. Il reste confiné chez lui. C’est une ironie majeure que de suggérer l’existence d’une vieille garde et sa prétendue influence.
La différence entre les deux cas : Libye et Syrie...
— Les situations sont les mêmes. Bachar al-Assad aide même Mouammar Kadhafi en envoyant des pilotes et des techniciens attaquer les rebelles. Ce qui se passe en Libye se produit également en Syrie, où le régime utilise l’armée pour réprimer les manifestants. En Égypte, la situation est différente puisque le président Moubarak n’a pas eu recours à la force ni à l’armée contre les manifestants. Même si quelques incidents regrettables se sont produits, on ne peut pas dire que Moubarak ait eu recours à une force excessive.
L'armée égyptienne est une armée nationale, alors qu'en Syrie, l'armée n'est pas l'armée populaire ; il représente la secte dirigeante. La majorité des officiers de l'armée appartiennent à la communauté alaouite de Horan, Damas et ses environs, Homs, Hama, Deir ez-Zor, Qamishli et Banias. Il n’y a pas un seul officier extérieur à la secte.
Pourquoi y a-t-il eu une intervention militaire en Libye mais pas en Syrie ?
— Les actions internationales actuelles sont insuffisantes et inefficaces. Imposer des sanctions à cinq personnes par les États-Unis n’a aucune valeur, car ces responsables n’ont pas de présence significative et ne voyagent pas à l’étranger. Les sanctions n’ont donc aucun poids. Si la communauté internationale n’intervient pas et ne prend pas de mesures décisives pour aider le peuple syrien et assurer sa sécurité, le peuple syrien n’aura d’autre choix que de s’engager dans une bataille de libération nationale. Le régime actuel n’est pas national et le peuple syrien doit se battre pour reprendre le pouvoir. Si la communauté internationale reste silencieuse face à la crise syrienne, il y aura de graves répercussions et conséquences non seulement pour la Syrie mais pour l’ensemble de la région.
Préconisez-vous des frappes militaires contre la Syrie, à l’instar de ce qui se passe en Libye ?
— Oui, c'est notre position. Nous ne voulons pas que la communauté internationale applique deux poids, deux mesures aux révolutions arabes.
Qui est le mieux placé pour diriger la Syrie après le changement ?
- Le peuple syrien, qui compte 23 millions d’habitants, est capable de produire des dirigeants compétents. Si vous sélectionnez au hasard dix individus dans la rue, vous les trouverez plus capables et plus qualifiés que le régime actuel.
Le leadership viendra-t-il de l’étranger ou de l’intérieur ?
- Nous préférons qu’elle émerge de la Syrie. Les Syriens vivant à l’étranger n’ont pas le droit de diriger le peuple syrien. Les jeunes qui mènent les manifestations dans les villes et les zones rurales, endurant des difficultés et des victimes, devraient être ceux qui dirigent le pays. Les Syriens à l’étranger devraient les soutenir et les aider, et non les remplacer. J’ai déjà fait cette déclaration et je la réitère maintenant : personnellement, je n’aspire pas à l’autorité. Je ne reviendrai pas au pouvoir. Je crois que le rôle de ma génération a pris fin. C'est désormais au tour de ces jeunes générations.
L’opposition syrienne est-elle actuellement divisée ?
- La révolution en Syrie n’est pas dirigée par l’opposition syrienne. C’est la jeunesse syrienne qui a initié et conduit la révolution, avec le soutien et la participation du peuple. Tous les partis d’opposition en Syrie sont alignés sur cette révolution. Il ne s’agit donc pas d’une création d’un parti ou d’un groupe spécifique. Il s’agit d’une révolution menée par la jeunesse et non d’une révolution fondée sur les partis.
Dans le contexte égyptien, nous n’avons pas assisté à l’émergence d’un seul leader ou symbole de la révolution.
— La situation en Egypte était différente. Avoir un seul leader ou une figure symbolique aurait fragilisé le pouvoir collectif du peuple. Il est important d’organiser des élections libres, au cours desquelles le peuple égyptien pourra élire ses représentants et choisir son gouvernement. L’Égypte doit revenir à la démocratie, et le même principe s’applique à la Syrie. Malheureusement, de nombreux régimes révolutionnaires qui ont été établis dans le monde arabe sous la bannière de la réforme et du changement ont plongé leur peuple dans des situations douloureuses et doivent désormais tenir compte de la volonté de leur peuple.
Vous êtes actuellement à Bruxelles. Avez-vous eu des rencontres avec des personnalités de l’Union européenne ?
Je n'ai eu l'occasion de rencontrer personne officiellement, mais j'ai parfois eu des réunions à Bruxelles avec des parlementaires et engagé un dialogue avec eux.
Transmettez-vous un message à l’UE ?
— Oui, un message a été envoyé à l'UE, ainsi qu'à plusieurs présidents européens et chefs des membres permanents du Conseil de sécurité.
Que contient le dernier message ?
— Le message concerne principalement la situation en Syrie et souligne la nécessité urgente pour la communauté internationale d'intervenir et de prendre des mesures pour sauver le peuple syrien.
Les progrès sur la scène internationale sont-ils satisfaisants ou lents ?
Comme mentionné précédemment, les progrès sont lents, mais des efforts sont en cours au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour adopter une résolution renvoyant le dossier syrien à la Cour pénale internationale de La Haye, à l’instar des mesures prises en Libye. Cela conduirait à un procès du président Bashar Al-Assad et des autres personnes impliquées, garantissant ainsi qu'ils seront confrontés à la justice internationale.
Possédez-vous des listes d’individus directement responsables des crimes en Syrie ?
Oui, nous avons dressé une liste de 60 responsables directement impliqués dans les meurtres.
Possédez-vous des preuves pour étayer ces affirmations ?
— Les preuves sont disponibles, étayées par les faits sur le terrain, y compris des vidéos et des informations privilégiées. Nous avons demandé la création d’une commission d’enquête internationale chargée de se rendre en Syrie et de recueillir des preuves auprès de la population. Cependant, les autorités syriennes ont refusé cette demande, conscientes qu’une telle commission permettrait de découvrir les réalités du terrain.