Khaddam : En Syrie, il n’y a pas de dirigeants gérant les affaires du pays, mais plutôt une clique au pouvoir qui a perturbé les institutions constitutionnelles et contourné les lois.

publisher: الوطن ALWATAN

Publishing date: 2007-08-17

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1 – Que veulent les dirigeants syriens ? En d’autres termes, où mènent-ils le peuple syrien ?

En Syrie, il n’y a pas de dirigeants gérant les affaires du pays ; il y a plutôt une clique au pouvoir qui a perturbé les institutions constitutionnelles, contourné les lois, utilisé des moyens répressifs contre les citoyens, propagé la corruption dans le pays, instillé la peur parmi les citoyens syriens et monopolisé la prise de décision. Ils ont placé la Syrie dans une position dangereuse, provoquant de graves crises économiques qui ont entraîné la pauvreté généralisée, le chômage, l’affaiblissement des ressources de l’État et l’arrêt de la croissance économique. En d’autres termes, ils forment une clique au pouvoir qui joue avec les intérêts du pays, dirigée par des intérêts étroits, caractérisée par l’ignorance, la sottise et l’impulsivité. Ils ignorent la réalité du pays ainsi que les réalités régionales et internationales, et les ténèbres et l’ignorance dominent leurs esprits et leurs pratiques.

Cette clique au pouvoir cherche constamment à accumuler la richesse entre ses mains et à maintenir le contrôle sur le pays grâce à des appareils répressifs sous un état d’urgence. Par conséquent, ils ont causé des dommages importants au pays, se manifestant par son affaiblissement et son retard général dans divers aspects de la vie. À travers leurs politiques et leurs pratiques, ils tentent d’éteindre la vitalité du peuple syrien et de freiner sa capacité à se redresser, non seulement par l’oppression et la corruption, mais aussi en affaiblissant l’unité nationale.

2 – Les déclarations de Farouk al-Chareh reflètent-elles l’opinion de la rue syrienne ?

Les déclarations de Farouk al-Chareh s’inscrivent dans le cadre d’une politique poursuivie par la clique au pouvoir visant à rompre les liens syriens avec le système arabe et à renforcer sa connexion à la stratégie régionale de l’Iran.

Farouk al-Chareh parle au nom de son maître, et vous pouvez observer que la campagne a commencé par des déclarations de Bachar al-Assad contre les dirigeants arabes et s’est poursuivie avec une concentration sur l’Arabie saoudite à travers de multiples déclarations d’al-Chareh et d’autres, ainsi que par le biais des médias syriens et des agents du renseignement syrien au Liban.

La focalisation sur l’Arabie saoudite est liée à la stratégie régionale de l’Iran et au rôle du régime syrien dans cette stratégie. La campagne contre l’Arabie saoudite et ses dirigeants, en raison de son statut arabe et international et des ressources qu’elle possède, représente un obstacle majeur aux intérêts iraniens dans la région, que ce soit dans le Golfe arabe, en Irak, en Palestine ou au Liban.

Après s’être embourbé dans la prolongation du mandat présidentiel, l’adoption de la résolution 1559, l’assassinat du Premier ministre Hariri et de plusieurs dirigeants libanais, le retrait des forces syriennes du Liban et la création de la Commission d’enquête internationale, Bachar al-Assad s’est retrouvé confronté à des responsabilités internationales et arabes. Sa plus grande erreur a été de lier la Syrie à la stratégie régionale de l’Iran, espérant que cela lui servirait de garantie en utilisant le Hezbollah pour intensifier la situation au Liban et la pousser vers une explosion. À ce moment-là, Bachar al-Assad imaginait qu’il passerait du statut de partie accusée à celui de partenaire dans la résolution des problèmes régionaux, et que la question de la Cour internationale serait close.

La connexion à la stratégie de l’Iran a été un gain significatif pour l’Iran, car elle a contribué à renforcer sa base militaire et politique au Liban, à étendre son influence dans le domaine palestinien et à faciliter son contrôle sur une grande partie de l’Irak. En fin de compte, tout cela se fait aux dépens des intérêts syriens et arabes.

Les déclarations de Farouk al-Chareh sont condamnées par le peuple syrien, qui entretient des liens historiques et étroits avec le Royaume d’Arabie saoudite. Tous les Syriens sont conscients de l’ampleur du soutien et de l’aide que l’Arabie saoudite a apportés à la Syrie depuis l’époque du défunt roi Abdulaziz. Ils connaissent également l’étendue de l’aide politique et économique que le Royaume a offerte à la Syrie au cours des trois dernières décennies. Le peuple syrien, dans son authenticité et ses valeurs, rejette catégoriquement ces campagnes suspectes contre le Royaume d’Arabie saoudite, qui servent ceux qui complotent contre la nation arabe.

3- Quel est le secret derrière la campagne actuelle menée par les responsables syriens contre l’Arabie saoudite ?

Comme mentionné précédemment, Bachar al-Assad a commis une série d’erreurs majeures, dont l’une est de lier la Syrie aux intérêts stratégiques de l’Iran. Cela a suscité des craintes et des inquiétudes parmi les Syriens selon lesquelles la Syrie pourrait devenir un champ de bataille dans le conflit régional, l’Iran en étant une partie prenante. Dans le cadre de cette stratégie, Bachar al-Assad a lancé des campagnes successives contre le Royaume d’Arabie saoudite.

4- Comment voyez-vous l’avenir de la Syrie sous ses dirigeants actuels ?

Le peuple syrien est confronté à deux scénarios. Le premier est de se débarrasser de la clique au pouvoir et de construire un État de droit et des institutions où les citoyens sont égaux en droits et en responsabilités, quelle que soit leur religion, leur secte, leur ethnie ou leur genre. Dans ce scénario, la Syrie retrouverait son rôle et son statut tant sur la scène arabe qu’internationale, et elle continuerait sur la voie du progrès et de l’avancement.

Le deuxième scénario, sous le règne continu de ce régime, verrait la souffrance du peuple syrien s’aggraver, la pauvreté se propager, le chômage se répandre, les crises économiques s’intensifier, la corruption ronger l’État et la répression persister. Le danger réside dans la croissance de l’extrémisme en réponse à l’extrémisme du régime, ce qui pourrait transformer la Syrie en un autre Irak. En bref, la poursuite du régime signifie la perte de la Syrie.

5- Quel rôle la société civile syrienne devrait-elle jouer pour orienter la politique des politiciens au pouvoir ?

L’autorité au pouvoir en Syrie n’est pas réceptive à la correction en raison de sa nature dictatoriale, qui engendre un comportement contraire aux intérêts du peuple syrien. Il n’y a pas de solution avec ce régime, et la tâche des Syriens est de renforcer l’unité nationale, la solidarité, de surmonter la peur et de concentrer leurs efforts sur la réalisation du changement.

6- Le cas de l’opposant Riad Seif a été porté au plus haut niveau, demandant l’autorisation pour lui de voyager à l’étranger pour un traitement contre le cancer. La Syrie est-elle vraiment devenue une grande prison pour ses propres citoyens ?

La Syrie est devenue une prison depuis des décennies sous un état d’urgence et l’utilisation de la répression, où même exprimer un appel à la réforme peut entraîner des années d’emprisonnement. Les Syriens ont le sentiment de ne pas vivre dans un pays gouverné par l’État de droit, mais plutôt sous un régime qui emploie la répression et restreint les libertés. La prévention de M. Riad Seif, une figure de l’opposition syrienne, révèle la nature de ce régime et son mépris pour les droits fondamentaux de l’homme.

7- En revenant à la situation intérieure en Syrie, voyez-vous une solution à l’horizon pour votre retour en Syrie, et quelles démarches avez-vous entreprises, étant donné que vous dirigez un mouvement de réforme dans ce but ?

Le changement en Syrie est inévitable, et le peuple qui souffre de la répression et de la persécution sous une politique de discrimination, d’exclusion et d’isolement, tout en étant privé de ses moyens de subsistance et de ses opportunités d’emploi, ne tolérera pas ce régime.

Le Front de Salut National, qui regroupe divers courants de l’opposition et des personnalités politiques, a élaboré son programme pour parvenir au changement et travaille à créer les conditions de sa réussite.

Le Front a franchi des étapes sérieuses dans son travail, notamment en mobilisant les Syriens en préparation du jour où les Syriens se lèveront, avec la grâce de Dieu, pour renverser la tyrannie.

8- Certaines personnes liées au régime syrien, notamment au Liban, cherchent à ternir votre image lorsque vous étiez en charge du dossier libanais pendant l’hégémonie syrienne. Avez-vous réellement contribué à la situation actuelle au Liban ?

J’ai quitté le dossier libanais en 1998 après l’élection du président Lahoud au Liban, et la responsabilité de ce dossier est passée à Bashar al-Assad. La gestion du Liban est passée d’une approche politique à une approche axée sur la sécurité sous sa direction. Je ne nie pas qu’il y ait eu des erreurs commises par les agences de sécurité de l’État ou par certains officiers syriens sur lesquels je n’avais aucune autorité. Le comité chargé du dossier libanais relevait directement du président Hafez al-Assad, qui détenait le pouvoir de décision.

En tout cas, je suis prêt à engager des discussions avec toute partie libanaise, syrienne, arabe ou internationale concernant la situation au Liban depuis l’entrée des forces syriennes jusqu’à mon départ du dossier libanais.

Ce qui a exacerbé la situation au Liban et l’a rendue plus complexe, c’est l’approche axée sur la sécurité dans la gestion de la population libanaise, les intérêts étroits et égoïstes de Bashar al-Assad et de ses conseillers, ainsi que leur méconnaissance de la situation au Liban et de la manière d’interagir avec les Libanais. Les relations politiques avec les institutions libanaises se sont transformées en relations sécuritaires, dirigées par le chef de la branche de surveillance au Liban.

Le manque de connaissance de l’histoire du Liban et de sa composition sociale et politique a joué un rôle significatif en privilégiant les mesures de sécurité au détriment de l’engagement politique, qui aurait dû respecter les institutions politiques libanaises, préserver l’indépendance et la souveraineté du Liban, et s’abstenir d’interférer dans les affaires quotidiennes du peuple libanais.

9- Quel est l’état actuel de la Cour internationale chargée de juger les assassins du président Rafik Hariri ? Avez-vous des informations sur sa convocation de certains responsables syriens pour interrogatoire ?

La Cour internationale est devenue une réalité, et je pense que l’enquête touche à sa fin. Il est certain que tous ceux impliqués dans la commission des crimes d’assassinat seront punis, quelle que soit leur position. Les avancées de l’enquête témoignent des réactions émotionnelles de Bashar al-Assad et de ses associés, ainsi que de la situation au Liban qui tend vers une explosion.

10- Certains vous accusent en Syrie d’être derrière la campagne internationale, notamment en Europe et en Amérique, visant à renforcer le blocus contre la Syrie. Y a-t-il vraiment un blocus imminent contre la Syrie ?

Il est essentiel de faire la distinction entre la Syrie en tant que nation et son peuple, d’une part, et le régime despotique, d’autre part. L’opposition syrienne a appelé et continue d’appeler la communauté arabe et internationale à aider le peuple syrien à se libérer du régime oppressif. L’opposition n’a pas d’informations concernant un blocus imminent ou lointain, et de toute façon, elle rejette les mesures qui affectent le peuple syrien.

En réalité, le régime, par sa répression et ses actions, impose un blocus au peuple syrien. Les Syriens en souffrent le plus, qu’ils soient des individus ou des groupes. Le régime porte la responsabilité d’imposer un blocus sur la Syrie d’une part, et d’isoler la Syrie sur le plan régional et international d’autre part.

11- En vous basant sur votre expérience des affaires libanaises, pensez-vous qu’il y aura un vide constitutionnel le 25 septembre ? Quelles sont les solutions selon vous ? Et compte tenu de votre proximité avec les décideurs en Europe, voyez-vous la possibilité d’élections présidentielles au Liban, ou le pays se dirige-t-il vers la catastrophe ?

Il est dans l’intérêt du Liban de tenir des élections présidentielles en temps voulu, suivies de la formation d’un gouvernement d’unité nationale capable de faire face aux situations complexes créées par les actions de Bashar al-Assad au Liban.

Je crois que si les intérêts nationaux libanais prévalent parmi toutes les parties libanaises, les choses progresseront naturellement, et les élections présidentielles auront lieu, suivies de la formation d’un gouvernement d’unité nationale.

Si le régime syrien craint la Cour internationale, il peut œuvrer pour entraver les élections et pousser ses alliés à intensifier la situation sécuritaire, espérant ainsi passer du statut d’accusé à celui de participant dans la résolution des problèmes du Liban et des questions régionales, tout en garantissant l’entrave de la Cour internationale et la continuité de son régime.

La communauté internationale et les pays arabes sont déterminés à soutenir la tenue des élections présidentielles, mais la question est de savoir si le régime syrien se conformera à ces directives. Que se passera-t-il s’il ne le fait pas, et l’Iran continuera-t-il à faire pression sur le Hezbollah pour répondre aux demandes de Bashar al-Assad ?

L’échec de la tenue des élections aurait des conséquences graves, non seulement pour le Liban mais pour toute la région, et cela pourrait devenir une porte d’entrée vers d’importantes explosions dans la région.

12- Dans le cas où les élections présidentielles n’auraient pas lieu, quel serait le destin futur du Liban ?

Deux gouvernements ?

Une guerre civile ?

L’armée prenant le contrôle des décisions politiques ?

Comme je l’ai mentionné précédemment, la question ne concerne pas ce qui se passera au Liban, mais plutôt ce qui se passera dans la région. Le problème libanais est devenu une question régionale et internationale liée négativement ou positivement à la sécurité et à la stabilité de toute la région.

En ce qui concerne la possibilité de l’armée de prendre le contrôle du Liban, j’ai des doutes en raison des complexités de la situation sectaire et politique au Liban. Il est dans l’intérêt du Liban que l’armée ne s’implique pas dans les affaires politiques, d’autant plus que la situation sectaire et politique risquerait probablement d’affecter l’armée si elle intervenait. De plus, la composition actuelle et les capacités de l’armée ne sont pas suffisantes pour qu’elle puisse établir un contrôle sur tous les territoires libanais, d’autant plus que certaines factions possèdent des capacités militaires dépassant celles de l’armée.

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